Diffamation du pape envers les païens

Diffamation du pape envers les païens : à l’heure où le Trésorier du Vatican est condamné pour pédophilie, voici le communiqué de l’Ordre Druidique de Dahut à ce propos et en réponse au bulletin papal du 24 février 2019. Écrit par la dirigeante de l’ODD avec le soutien des sacerdotes de l’Ordre.

Diffamation du pape envers les païens

Moi, Yavanna, dirigeante de l’Ordre Druidique de Dahut, souhaite réagir aux propos du Pape dans son bulletin du 24 février 2019, pour dénoncer son discours déresponsabilisant au regard des abus sexuels sur mineurs de la part des sacerdotes chrétiens catholiques et diffamatoire envers les païens, présentés comme responsables de manière directe ou indirecte de ces agissements.

Déresponsabilisation de l’Église catholique

En effet, le bulletin papal montre en premier lieu le manque flagrant de bonne foi de l’Église catholique qui n’assume ement sa responsabilité dans le comportement des sacerdotes qui la composent.

Le Pape développe le fait que les abus sexuels, et les violences en général, sur mineurs, sont des actes extrêmement répandus, anciens, et qui touchent toutes les cultures et les strates de toutes les sociétés, avec l’idée sous-jacente que ce fléau est tellement ancré que l’on ne peut pas réellement l’éradiquer, et qu’il est presque quasiment normal, constitutif des sociétés humaines.

Il met également en avant l’entourage proche des enfants, notamment familial, comme source première des abus. L’adjectif « ecclésial » n’est mentionné dans cette partie du texte que de manière anecdotique.

De la même manière, il met l’accent sur différents éléments sociétaux contextuels qui sont autant de causes directes ou indirectes des abus, notamment la pornographie et sa diffusion accélérée par les moyens et les réseaux modernes de communication ainsi que le tourisme sexuel.

Et en comparaison avec cette masse de sources et de causes autres, il évoque seulement à la fin de son discours les « quelques de leurs confrères » qui discréditent l’ensemble des prêtres catholiques.

L’objectif est là clairement de minimiser les cas d’abus sexuels sur mineurs dans le clergé catholique et de les noyer dans la masse d’un fait de société présenté comme quasi-universel.

Le Pape se targue que l’institution dont il est responsable soit représentative d’« une autorité morale » et possède une « éthique », et pourtant l’universalité du phénomène des abus sexuels sur mineurs semble justifier dans la suite logique de son discours que l’on en trouve également au sein de cette institution religieuse. Ce fait est présenté comme une fatalité que l’on peut uniquement constater et éventuellement réparer. Il présente ainsi par ailleurs l’Église comme « victime » des sacerdotes qui abusent des enfants, montrés comme faisant preuve d’« infidélité ».

Il semble pourtant évident que l’ambition de suivre et de former ses sacerdotes pour qu’ils fassent preuve de l’exemplarité qu’on est en droit d’attendre d’eux devrait être un enjeu majeur, un objectif depuis longtemps atteint et maintenu.

Et quand le Pape reconnaît enfin une part de responsabilité dans la situation, c’est en déclarant : « La sainte crainte de Dieu nous porte à nous accuser nous-mêmes – comme personne et comme institution – et à réparer nos manquements. » Il est tout à fait ahurissant de voir que, de son aveu même, c’est avant tout la peur d’un châtiment divin qui l’a poussé à cette reconnaissance un peu forcée, et non la capacité à assumer de manière autonome les conséquences de ses actes et de ses décisions.

De toute façon, d’après le Pape, « ce phénomène criminel […] n’est aujourd’hui que la manifestation actuelle de l’esprit du mal » et « Il n’y a pas d’explications satisfaisantes pour ces abus sur des enfants. Humblement et courageusement, nous devons reconnaître que nous sommes devant le mystère du mal. » Il n’y a aucun courage dans ce constat défaitiste, et aucune remise en question. L’origine des abus sexuels ne semble pouvoir se trouver qu’à l’extérieur de l’Église et même de l’humanité en général, et venir d’une source qui ne peut relever d’aucune décision humaine, sociale ou politique, mais uniquement d’un combat religieux : il s’agit d’une force mystérieuse, délibérément floue et quasiment superstitieuse, le Mal.

De ce fait, le Pape se dégage de toute responsabilité quant aux actes des personnes de la communauté sacerdotale dont il a la charge dans un comportement d’une grande lâcheté.

Diffamation du Pape envers les païens, boucs-émissaires désignés

« En réalité, nous ne devons pas tomber dans le piège d’accuser les autres, ce qui est un pas vers le prétexte qui nous sépare de la réalité. » C’est pourtant bien ce que fait le Pape par la présentation indirecte des païens tout au long du discours comme la source ou les agents de ce fameux « mal » qui viendrait de l’extérieur contaminer les malheureux hommes d’Église.

Le Pape cite ainsi l’épisode d’Hérode, qui évoque un roi juif qui tue les enfants de moins de 2 ans à Bethléem. Hérode fut mis roi sur ordre de Rome, donc mis en place par des païens. Ce qui en fait un exemple qui vise les païens. Or les théologiens reconnaissent que ce mythe est une réflexion de Mathieu à propos des enfants juifs noyés par Ramsès – pharaon, donc païen. Il s’agit ici de réaffirmer le côté prophète de Jésus. Comme Moïse, Jésus est un rescapé d’un infanticide. Ce procédé est un procédé récurant dans la Bible et le Nouveau Testament pour ancrer le caractère miraculeux de l’enfance des prophètes. On est donc bien dans du mythe et du légendaire, où le païen condamne, encore, le peuple de Dieu. Il est ainsi regrettable que le Pape mentionne cet exemple antipaïen non fondé, dont il est impossible de démontrer la véracité des faits.

Par ailleurs, Satan est nommé plusieurs fois comme incarnation du « Mal ». Or le satanisme est l’ensemble des cultes « en opposition » (Satan est un verbe hébraïque voulant dire « être en opposition/un adversaire ») à ceux du Livre (la Bible). Il s’agit donc ici de viser directement les paganismes qui est en ce sens un synonyme : le Pape nomme directement les païens comme responsables directs de la pédophilie. Chose réappuyée avec le terme de « loups avides » pour désigner les païens.

Enfin, tout au long de son texte, on s’aperçoit qu’il ne peut remettre en cause le caractère ecclésiastique des prêtres : les hommes de Dieu sont des hommes de Dieu. Donc il lui est impossible de dire que les hommes de Dieu sont des pédophiles, et il est obligé de faire une pirouette argumentaire pour désigner des suppôts de Satan, donc des prêtres ou sacerdotes païens qui auraient infesté l’Église par le biais du recrutement en séminaire.

Ce faisant, par tous ces développements, le Pape porte gravement atteinte à la dignité des païens. Ceci étant renforcé par la comparaison qu’il fait entre les abus sexuels sur mineur et de supposés sacrifices d’enfants effectués lors de rites païens passés, ce qui constitue une accusation sans fondement et une comparaison infamante et diffamante pour les pratiquants de rites païens polythéistes aujourd’hui.

Ayant désigné de biens pratiques boucs-émissaires en la personne des païens, le Pape n’a alors semble-t-il plus besoin de prêter l’attention qu’ils mériteraient aux aspects psychologiques et sociétaux de manière générale, et structurels et dogmatiques quant à son institution en particulier.

« Il n’y a pas d’explications satisfaisantes pour ces abus sur des enfants. Humblement et courageusement, nous devons reconnaître que nous sommes devant le mystère du mal. » Derrière l’expression fataliste de ce constat, on sent bien que le Pape n’a aucune intention de chercher à comprendre les sources humaines, psychologiques et structurelles de ce phénomène, ce qui lui permettrait de prendre les vraies décisions courageuses au sein de sa communauté pour les combattre. À d’autres occasions dans son discours, il dénigre ainsi ce qu’il appelle les « explications empiriques » de « l’herméneutique positiviste ».

Le Pape met ainsi en avant l’importance de dépasser les explications scientifiques pour chercher des significations religieuses, soi-disant pour chercher des solutions, mais il n’en présente en réalité aucune véritable autre que des mesures de contrition a posteriori. Sa seule proposition (« humiliation, accusation de nous-mêmes, prière, pénitence ») est une proposition passive, de victime d’une source extérieure mystérieuse, qui se déclare incapable de résister et appelle au pardon plutôt que d’assumer activement la responsabilité de sa vie en prenant des mesures pour ne pas se laisser influencer et être maître de ses actes.

Enfin, une de ses ultimes propositions, le renforcement de la conversion, sous-entend à nouveau que le problème vient de l’extérieur, que ce sont les non-chrétiens et notamment les païens qui sont responsables de la situation. Aucune remise en question ne semble décidément envisageable…

L’apport des valeurs païennes au débat

Maintenant, je vous pose la question : et si plutôt que « d’assister et de protéger les plus vulnérables » comme le propose le Pape, nous nous efforcions de les rendre forts, courageux, autonomes et responsables ?

Selon les valeurs païennes, les décisions d’un chef d’institution religieuse réellement responsable devraient être dans ces circonstances :

Tout d’abord de regarder en face la réalité humaine des agissements ignobles des sacerdotes dont il est responsable, et d’en rechercher activement les causes, non dans des superstitions ou des concepts fumeux et vagues, mais dans la réalité psychologique et sociale grâce au regard et au concours de la Science.

D’en tirer ensuite les conclusions qui s’imposent sur les mesures concrètes à prendre.

Ceci non seulement par des décisions précises concernant les individus, et par la prévention de toute manifestation future de tels comportements par une sélection et un accompagnement adéquat des futurs sacerdotes, choses qui à défaut d’être réellement systématiquement mises en œuvre de manière pertinente par l’Église catholique, sont au moins évoquées dans le discours du Pape.

Mais également par la remise en question du fonctionnement, voire des valeurs de l’institution qui a permis que se manifestent en son sein de tels comportements totalement inacceptables. Ce qui implique bien sûr d’être en capacité de faire évoluer cette structure, et non d’être enfermé dans un dogme rigide, comme l’est par exemple celui du célibat et de la chasteté imposés aux prêtres. Pas un instant l’idée que cette norme puisse être impliquée dans l’émergence des comportements d’abus sexuels et de ce fait être remise en cause ne semble par exemple effleurer le Pape…

Et enfin, d’œuvrer à cette prévention au sein de l’ensemble de la population grâce à des programmes d’accompagnement, de sensibilisation à l’écoute et à la bienveillance qui permettent d’éradiquer ce problème de la violence envers les enfants à sa racine : dans l’accompagnement des générations futures vers l’entièreté et la mise en avant du respect de tous les êtres vivants comme une valeur fondamentale, au côté notamment du courage, de l’autonomie et de la responsabilité.

Car loin d’être une fatalité que l’on ne peut que subir et face à laquelle on ne peut mettre en place que des processus de réparation et de contrition a posteriori, ce fléau doit être envisagé comme le fruit d’un accompagnement inadéquat et défaillant des êtres que l’on peut donc tout à fait projeter de réduire significativement à terme par des mesures et des programmes concrets, bien loin du concept abstrait de « mal » bien pratique pour se dédouaner de toute responsabilité et de toute possibilité d’action préventive.

Agir plutôt que subir ; prévenir activement plutôt que réparer et s’humilier ; être responsable et capable d’évolution, plutôt que demander pardon sans changer notablement son fonctionnement, voilà comment nous, païens polythéistes, voyons la façon d’être dans le monde, quelles sont nos valeurs, nos pratiques et nos propositions face à ce problème.

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